Vers Athènes


Anaxagore

Anaxagore, de Clazomène, fils d’Hégésibulus, ou d’Eubulus, eut pour maître Anaximène. Il ajouta le premier l’intelligence à la matière Son livre, écrit avec autant de noblesse que d’élégance, commence ainsi : « Tout était confondu; l’intelligence vint et établit l’harmonie. »
[...]
On dit qu’il avait vingt ans lorsque Xerxès passa en Grèce, et qu’il vécut soixante-douze ans. Cependant Apollodore assure, dans les Chroniques, qu’il était né dans la soixante-dixième olympiade, et qu’il mourut la première année de la soixante-dix-huitième. Il commença à philosopher à Athènes, sous l’archontat de Callias, à l’âge de vingt ans, suivant Démétrius de Phalère, dans la Liste des archontes, et il passa trente années dans cette ville.
[...]
Il disait que le soleil est une pierre enflammée et qu’il est plus grand que le Péloponèse ; — opinion que l’on attribue aussi à Tantale ; — que la lune est habitée et renferme des montagnes et des vallées. Les principes des choses sont les homéoméries ou particules similaires : de même que l’or est formé de petites paillettes d’or, de même aussi tous les corps sont composés de corpuscules de même nature qu’eux. L’intelligence est le principe du mouvement. Les corps les plus lourds, comme la terre, se portent en bas ; les plus légers, comme le feu, en haut ; l’air et l’eau au milieu. Par suite de cette disposition, la mer s’étendit sur la surface de la terre, lorsque, sous l’influence du soleil, les éléments humides se furent séparés des autres.
[...]
Il paraît être le premier, s’il faut en croire les Histoires diverses de Phavorinus, qui ait vu une pensée morale dans le poème d’Homère et lui ait assigné pour but la vertu et la justice.

Diogène Laërte, Livre II, chapitre III (trad. Zevort, 1847)


Archélaüs

Archélaüs, d’Athènes ou de Milet, fils d’Apollodore, ou, selon d’autres, de Myson, fut disciple d’Anaxagore et maître de Socrate. Le premier il apporta de l’Ionie à Athènes la philosophie physique, ce qui lui valut le surnom de Physicien. Une autre raison de ce surnom, c’est que cette branche de la philosophie finit avec lui, Socrate ayant fondé la morale. Archélaüs paraît cependant avoir abordé aussi la morale ; car il a traité des lois, des biens et du juste. Socrate fut en cela son disciple; mais ayant étendu cette science, il passa pour en être l’inventeur.
Archélaüs assignait deux causes à la production des êtres, le froid et le chaud. Il disait aussi que les animaux ont été formés du limon de la terre ; que le juste et l’injuste résultent non pas de la nature, mais de la loi. Voici, du reste, l’ensemble de son système : l’eau étant soumise à l’action de la chaleur, une partie se dessèche, se condense et forme la terre ; une autre partie s’évapore et produit l’air. C’est pour cela que la terre est embrassée par l’air et soumise à son action. L’air lui-même subit l’action du feu qui l’embrasse dans son mouvement circulaire. La terre, une fois échauffée, a produit les animaux, auxquels elle fournissait d’abord pour nourriture un limon semblable au lait; les hommes ont été formés de la même manière. Archélaüs est le premier qui ait dit que la voix est produite par la percussion de l’air. Il enseignait aussi que les eaux de la mer se sont infiltrées à travers la terre, en ont rempli les diverses cavités et s’y sont condensées ; que le soleil est le plus grand des astres et que l’univers est infini.

Diogène Laërte, Livre II, chapitre III (trad. Zevort, 1847)


Protagoras

Disciple de Démocrite, Protagoras est originaire d’Abdère. Le premier, il a exigé pour ses leçons un salaire (sophisme).


Protagoras fut disciple de Démocrite. Phavorinus dit dans les Histoires diverses qu'on l'avait surnommé Sagesse. Il est le premier qui ait prétendu qu'en toute question on peut soutenir le pour et le contre et qui ait appliqué cette méthode à la discussion. Il commence ainsi un de ses ouvrages : « L'homme est la mesure de toutes choses, de l'être en tant qu'il est, du non-être en tant qu'il n'est pas. » Il enseignait aussi, au dire de Platon dans le Théétète, que l'âme n'est pas distincte des sens et que tout est vrai. Un autre de ses traités commence par ces mots : « Quant aux dieux, je ne puis dire s'ils existent ou non ; bien des raisons m'en empêchent, entre autres l'obscurité de la question et la brièveté de la vie humaine. » Cette proposition le fit expulser par les Athéniens ; ordre fut donné par un héraut à quiconque possédait ses ouvrages de les livrer, et on les brûla sur la place publique. Il est aussi le premier qui ait exigé pour ses leçons un salaire de cent mines.

Diogène Laërte, Livre IX, chapitre VIII (trad. Zevort, 1847)


Socrate

[...] Il est aussi le premier qui ait traité de la morale, le premier qui soit mort condamné. [...] Plus tard, reconnaissant le peu d’utilité pratique des théories physiques, il se mit à disserter sur la morale dans les boutiques et au milieu de la place publique. Il disait qu’il ne cherchait qu’une seule chose :

En quoi consistent le bien et le mal dans la vie privée [Homère, Odyssée I, 392].

Sa vivacité dans la discussion lui faisait fréquemment de mauvaises affaires : on le frappait, on lui arrachait les cheveux, le plus souvent on se moquait de lui. Il supportait tout cela avec un calme imperturbable ; au point qu’ayant reçu un coup de pied il resta impassible ; quelqu’un s’en étonnant, il lui dit : « Si un âne m’avait donné un coup de pied, irais-je lui faire un procès ? » Tel est du moins le récit de Démétrius.
[...]
Il était indifférent à la raillerie, affectait une excessive frugalité et n’exigeait aucun salaire pour ses leçons. Il disait que ceux qui mangent avec le plus d’appétit sont ceux qui ont le moins besoin de mets recherchés; et que ceux qui boivent avec le plus d’avidité, sont ceux qui savent le moins supporter la privation de la boisson. « On se rapproche d’autant plus des dieux, disait-il encore, qu’on a moins de besoins. » L’élévation de son caractère est attestée même par les poètes comiques, qui ne voient pas que leurs railleries sont pour lui autant d’éloges. Voici les paroles d’Aristophane :

Ô toi, qui as si sagement embrassé l’étude sublime de la philosophie, que ton sort sera glorieux à Athènes et parmi tous les Grecs ! Tu as de la mémoire, de l’esprit ; tu ne fais consister le mal que dans l’opinion; tu ne te fatigues point, que tu sois debout ou que lu marches ; tu es insensible au froid, aux plaisirs de la table; tu n’aimes ni le vin, ni la bonne chère, ni les autres frivolités de ce genre.
[...]
Il disait encore qu’il ne savait rien, une seule chose exceptée, à savoir qu’il ne savait rien ; qu’acheter des fruits précoces, c’est désespérer de vivre jusqu’au temps de la maturité. Quelqu’un lui ayant demandé quelle était l’a première des vertus pour le jeune homme : « Rien de trop, » dit-il.


Diogène nous dit qu’une fois la Pythie a dit que Socrate était le plus sage des hommes, celui-ci excita de nombreuses jalousies, entre autres celle de Mélitus :


Voici quels furent les chefs d’accusation confirmés par serment ; Phavorinus dit qu’on les conserve encore dans le temple de la mère des dieux :

Mélitus de Lampsaque, lils de Mélitus, accuse, sous la foi du serment, Socrate d’Alopèce, fils de Sophronisque, des crimes suivants : Socrate est coupable de ne pas croire aux dieux reconnus par la ville et d’en introduire de nouveaux ; il est également coupable de corrompre la jeunesse. Pour ces crimes, la mort.

Lysias avait composé pour lui une apologie ; mais Socrate lui dit après l’avoir lue : « Quoique le discours soit fort beau, mon cher Lysias, il ne me convient point. (En effet c’était un morceau beaucoup plus oratoire que philosophique.) —  Pourquoi donc, reprit Lysias, s’il est beau, ne te convient-il pas ? — Ne peut-il pas se faire, dit Socrate, que de beaux habits et de beaux souliers ne m’aillent pas ? »

Diogène Laërte, Livre II, chapitre V (trad. Zevort, 1847)


On lira avec plaisir le Phédon et l’Apologie de Socrate, de Platon.




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